médiarchéologie en cinq §

§. … à propos

*gft est l’un des livres fondateurs de l’archéologie des média. Friedrich Kittler ne se déclare pas lui-même archéologue des média. Mais, depuis la parution de *gft, nous sommes nombreux à chercher à comprendre la logique interne des média techniques.

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§. … à propos

Comment les média techniques agissent-ils sur la littérature, l’art, l’écriture, la culture ? Que sont-ils, peut-on les définir – ou comment atteindre leurs matérialités ? Comment agissent-ils sur le temps et l’espace – ou plus exactement comment le temps et l’espace se reconfigurent-ils à l’aune des média techniques ? Comment les média techniques eux-mêmes naissent-ils (ou émergent) ? Comment meurent-ils (ou deviennent obsolescents) ? Produisent-ils des motifs récurrents ? Comment produisent-ils (ou non) l’archive – et donc l’histoire  ? Pourquoi sont-ils – techniques ou non – restés impensés – invisibles, dissimulés – jusqu’à notre époque ? Comment interagissent-ils avec les humains ? Comment interagissent-ils entre eux ? Comment les humains interagissent-ils entre eux par eux ?  Quel sens faut-il donner à cette logique quand elle paraît parfois elle-même illogique ? Voilà, entre autre, ce qui, nous – archéologues des média –, nous préoccupe.

média archéologie

§. … à propos

S’agissant, par exemple de l’art, le fait est que, depuis le début du 20e siècle, sous l’effet des média techniques, l’art est consubstantiellement lié à l’industrie et ne peut être compris que par rapport à elle. Quels en sont les effets sur l’écriture, sur l’archive, sur la mémoire, sur la science, sur les sciences humaines, sur l’auteur, sur l’œuvre et sa pérénnité, sur l’art et l’esthétique, sur le sensible et l’action ? Les média techniques en ce sens sont autant des appareils que des processus, des machines que des effets. Que se passe-t-il quand – par expérience de pensée ou par hypothèse – nous les pensons comme des sujets ?

média archéologie

§. … à propos

Dans la mesure où le médium, par lequel – comme condition – tout s’écrit (et donc l’histoire), est à notre époque l’ordinateur et aujourd’hui le réseau des ordinateurs, la représentation que nous, archéologues des média, avons de l’histoire est à l’image de l’écriture informatique et réticulaire : la réalité historique est constituée de données et de couches temporelles. Cela veut dire que l’archéologie des média n’échappent pas à son propre présupposé, c’est-à-dire à sa propre détermination média-technique. La pensée médiarchéologique est récursive, itérative et réticulaire. L’archéologie des média est un réseau de recherches. Des théoriciens, des artistes et des praticiens de la conservation et de l’archive, tentent de comprendre comment les média techniques agissent et transforment les cultures et sociétés occidentales – et non-occidentales.

média archéologie

§. … à propos

L’archéologie des média, qui n’est pas une discipline académique, mais un mouvement de pensée et d’action – autrement dit une science, ressemble à une armée qui ferait le siège d’une citadelle, sans savoir ce qu’il y a à l’intérieur, sans en connaître les forces, ni même si tout simplement il y a quelque chose, mais convaincue que la forteresse ne cèdera que par des actions combinées, partant de plusieurs positions, parfois contraires en apparence. Pour cette armée hétéroclite, l’opposition vérité et fiction, art et science, humain et machine a cessé d’avoir un sens. Il n’existe que du réel, du bruit, des chiffres, du flux. Tout est affaire de matière, laquelle – comme le savent les physiciens – comporte différentes couches. Les média techniques, eux-mêmes composés de couches, constituent l’une d’elles. Et c’est précisément ce que Kittler a découvert.

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* Texte : Emmanuel Guez.
* Œuvre et vignette : Jankenpopp & Zombectro, Windows 93, 2014.