post en cinq didascalies

§. Blogpost ou debug party


Post-communisme. Post-structuralisme. Post-modernisme.
Posthumanisme. Postféminisme. Postgenre.
Post-colonialisme. Post-capitalisme.

Post(Pre)War Era.


Postdigital (ou post tiret digital).
Post-media. Anti-Media (ou Post-wikileaks).
Post-internet (ou Art After The Internet).

一只猫(聊天)开始大笑。

Post-traduction. Post-hashtag.
Post-fascisme. Post-démocratie.
Post-salariat. Post-vérité.

Aujourd’hui,

« Tout ce qui n’est pas posté n’existe pas ».

§. Il y a de l’ancien dans le nouveau et du nouveau dans l’ancien

ni ancien ni nouveau

Telle est l’hypothèse de l’archéologie des média, qui étudie l’émergence et l’obsolescence technologique, avec ses inventions avortées, ses média perdants et ses échecs industriels. Cherchant à comprendre la temporalité propre aux média, étrangère à l’idée de progrès et de développement continu, l’archéologie des média rejette tout type de pensée postiste, qui impliquerait – comme présupposé – un avant et un après – c’est-à-dire le concept d’histoire, quand bien même le postisme prétendrait être synonyme de reconfiguration, remédiation ou recombinance. À vrai dire, tout postisme est une tentative desespérée pour sauver le concept d’histoire, comme si ce dernier était un synonyme d’espoir et d’avenir.

§. Le Livre de la Création – année 2017

En 2017, toute pensée occidentale postiste s’inscrit dans l’agencement de 9 catégories ou post-it métaphoriques, comprenant chacune 3 concepts ou keywords dominants.

Catégorie temporelle : néo, post, trans
Catégorie spatiale : exo, inter, intra
Catégorie d’objets artistiques : archive, experience, relation
Catégorie d’objets économiques : capital, dette, (crypto-)monnaie
Catégorie d’objets politiques : libéralisme (aussi appelé pragmatisme), communs (sous-catégories : communisme, écologisme), colonialisme
Catégorie d’objets scientifiques : anthropocène, code, matière
Catégorie d’objets techniques : digital, internet, média
Catégorie d’objets théologiques : genre (sous catégorie : féminisme), humanisme, vérité

Le présupposé de ces neuf catégories constitue une dixième catégorie appelée « catégorie des activités », qui comprend six concepts : l’artistique, l’économique, le politique, le scientifique, le technique, le théologique (dont le religieux n’est que la version sécularisée).

En tant qu’art de l’archive, l’artistique s’empare de manière récursive – en les agençant librement – de toutes les catégories d’objets relevant des autres activités. Par exemple on trouvera des artistes se déclarant (statement) « post-exo-féministe » ou défendant une vision « anthropocénique, néo-matérialiste et post-colonialiste » [34].

[34] Cette matrice semble servir implicitement de base de données à de nombreuses machines d’écriture robotisées, aussi appelées bots, tels que le Predictive Art Bot (de Nicolas Maigret) ou les Recombinants (de Madja Edelstein-Gomez), ou encore à de nombreux mouvements artistiques et culturels.

§. Géographies mediarchéologistes – ou, déjà, après l’ère du post

<meta name= »keywords »
content=
« médiarchéologisme,
recyclisme,
archeogolemisme,
cryptomediarchéologisme,
activogamisme,
anarchronisme,
phonoiseisme (≠ bruitisme),
mediamediumnisme,
archeomediafuturisme,
scriptoarchivisme,
ou cryptoarchivisme,
mediarchéofuturisme,

etc [35]. »>

[35] « On ne sait pas ce que peut un médium technique ». C’est pourquoi l’archéologie des média se déploie dans une (archéo)topologie (E. Huhtamo), une variantologie, une anarchéologie (ou comment rompre avec la logique du nouveau) (S. Zielinski), une archéographie (W. Ernst), une médiahauntologie (J. Sconce), une médiaentomologie, une médiagéologie, une médiamétéorologie (J. Parikka), une médiarchécologie (Y. Citton)…

§. Post-post-scriptum 

D’un point de vue postiste (ce qui est un pléonasme, le postisme reposant sur l’idée de pluralité des points de vue ou positions [36]), l’archéologie des média est le post-scriptum de l’histoire. En réalité, l’archéologie des média cherche justement à saisir, entre autres choses, comment la pensée sous l’effet des média a pu devenir points et posts.

Le postisme (post-colonialisme, post-féminisme, post-internet, post-anthropocène, post-cinéma, etc.) repose notamment sur l’idée nietzschéenne de multiplicité de points de vue [36], afin d’en défendre généralement l’égalité. S’il permet en apparence de sortir de faux-problèmes (ex-coloniaux vs ex-colonisés, homme vs femme, art contemporain vs art numérique, industrie vs écologie etc…), il entretient une conception aliénante de l’existence – avec cette particularité que l’aliénation est cette fois partagée par tous. Son présupposé aveugle est qu’il comprend la pensée sous forme de points, ce qui permet de mesurer et de revendiquer une égalité des points (de vue). Contrairement à ce que l’on pense souvent, le postisme relève bien moins d’un relativisme ou relationnisme que d’une logique d’évaluation comptable. L’archéologie des média, de son côté, cherche à déterminer comment les média introduisent une discrétisation de l’existence, la transforment en données et conduisent finalement à penser la pensée selon un poids et des points – ce qui est justement notre situation. C’est ainsi que l’on peut lire la première phrase de *gft : « Les média déterminent <bestimmen>, ou « fixent », « commandent » notre situation ».

[36] Cf. Martin Heidegger, Nietzsche, II, trad. P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1971, p.84 : « Ce qui est valable ne vaut pas parce que c’est une valeur en soi, mais la valeur est valeur, parce qu’elle vaut. Elle vaut, parce qu’elle est fixée, instituée en tant que valable. Elle est ainsi fixée par une façon de viser à quelque chose qui n’acquiert que par cette visée le caractère de cela avec quoi l’on devra compter et qui vaut de ce fait. (…) Il n’y a de « points de vue » que pour une façon de voir qui « ponctue » et qui nécessairement calcule d’après des « points » ». Autrement dit comme la psychanalyse en son temps, le postisme est un effet des média eux-mêmes, et de l’ordinateur en particulier, ce qui expliquerait qu’il est aujourd’hui la pensée dominante. La seule manière de sortir de cet « effet de surface » théorique est de faire retour à ce qui compte (c’est-à-dire ce qui calcule, chiffre et computationne), à savoir les média eux-mêmes.

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* texte : Emmanuel Guez
* image (vignette et œuvre) : Benjamin Gaulon, avec Karl Klomp, Tom Verbruggen, Gijs Gieskes, ReFunct Media, 2014.